jeudi 27 décembre 2012

Ménage

Comment réconcilier le goût de la collection et le désir d'échapper à la consommation ? Toujours à l'affut d'un article, d'un sujet, j'ai longtemps, curieux que je suis de tout, accoutumé de me procurer, en plus des livres, force journaux, revues et magazines, notamment sur mes auteurs de prédilection, ou ceux que je cherchais à mieux comprendre. Grand ménage, en ce jour de tempête, au retour d'une longue promenade dans le blizzard : exeunt tous ces numéros, dont certains datent de plus d'un quart de siècle, des Magazine Littéraire, Nouvel Observateur, Philosophie Magazine, au recyclage les Barthes et Foucault (deux numéros chacun), Wilde, Genet, Lacan (jamais lu...), Montaigne, quelques Malraux et Duras (péché de jeunesse). Le chemin aura été lent (deux jours) depuis la bibliothèque, au plancher, à la porte d'entrée et enfin au bac à recyclage au bout du couloir. Sorte de chemin de croix littéraire ? La semaine prochaine, ce sera le tour des bibliothèques, dont le surplus finira chez les bouquinistes qui en voudront bien, une autre vie pour ces livres  ?

mercredi 19 décembre 2012

Statistiques

L'outil Blogger se perfectionne, et nous laisse savoir le nombre de fois qu'un article est ouvert -- et qui sait, lu ? Je ne suis jamais tant fréquenté que quand je cite Pierre Foglia, de la Presse. Je m'en réjouis pour lui, que je tiens pour un grand billetiste, moins pour ma prose (et son auteur). Las, je sais que j'ai mes fidèles : Dieu reconnaîtra les siens... le plus souvent deux douzaines, en moyenne : mes apôtres ? Exception, l'article sur l'essai historique Le pape et le roi qui cartonne à 58 clics ! Il faut dire que, avec une perversité racoleuse, je l'avais d'un titre accrocheur, pour une fois l'ironie aura payé.

Lire c'est vivre/citation

Toujours en compagnie d'André Major avec son Sourire d'Anton ou l'adieu au roman, bien qu'avec une certaine inconstance, tant je suis porté sur le butinage --  mais comment pourrait-il en être autrement, il s'agit ici d'un recueil de courts textes ?

Il réfléchit, dans ce texte du 20 juin 1984, à propos d'une émission française sur la lecture -- et non pas sur les livres -- intitulée Lire c'est vivre, sur les politiques culturelles :
« Cette émission [...] vaut bien plus que toutes les campagnes de promotion de la lecture, tous les festivals du livre, tous les salons de Montréal, de Québec et de Hull, financés par les pouvoirs publics. Quand nous aurons compris que ce n'est pas seulement en faisant la monnaie qu'on vend la littérature, mais en l'aimant pour ce qu'elle est -- pour sa gratuité, une gratuité qui peut devenir aussi nécessaire que l'air qu'on respire --, nous aurons peut-être commencé d'apprivoiser ce spectre qui terrorise ceux dont la mission est de gérer ce qu'on appelle nos productions culturelles. »
Un quart de siècle après... Sic transit gloria mundi.

Radio Canada n'existe plus, en tant que chaîne culturelle s'entend, devenue une machine à promotion publique de produits culturels. Et les salons, toujours les salons...

dimanche 16 décembre 2012

Grand merci à D***, laquelle se reconnaîtra, pour ses bons mots d'encouragement, et je lui dirai que, loin de la tristesse suggérée par le vers de Paul Éluard, qui a servi de titre à un roman de Françoise Sagan, ils ont été pour moi, hier, « un peu de soleil dans l'eau froide ».

mercredi 12 décembre 2012

Citation

Pierre FOGLIA, Bilan tristounet (extrait), La Presse, 10 décembre 2012.

Je feuillette, virtuellement parlant, La Presse, la lis rarement, surtout les titres de l'actualité montréalaise, parfois, en soupirant, les pages dites Culture, qui ne sont que de la promotion à peine déguisée. Mais ne manquerais pas le billet de Foglia. Le seul de son genre ici, le ciel nous le garde longtemps, mais voici que l'heure de la  retraite approche : on le regrette déjà. On ne peut mieux dire.

« Qui êtes-vous ?

C'est le fait divers de la semaine. Il y a ce type qui se dispute avec un itinérant dans le métro de New York. L'itinérant pousse le type qui tombe sur la voie.

Il y a ce photographe pigiste qui s'adonne à être là et qui photographie la scène. Il y a le train qui arrive. On a demandé au photographe pourquoi il ne s'est pas plutôt précipité au secours du type, il a répondu qu'il n'aurait pas eu le temps de le sauver de toute façon. Il a dit aussi qu'il avait actionné son flash pour tenter d'avertir le conducteur du train.

Il y a enfin la photo dans le New York Post. Elle montre le type qui essaie de remonter sur le quai en prenant appui sur son bras gauche. On voit arriver le train. Entre l'avant du train et la tête du type, il doit y avoir deux secondes et demie.

Et il y a vous.

Vous êtes le photographe. Vous n'êtes pas "le" photographe, mais vous êtes photographe. Vous êtes quelqu'un sur le quai. Vous êtes l'itinérant. Vous êtes le directeur de l'information du New York Post qui doit décider de passer la photo ou non. Vous êtes le type sur la voie. Vous êtes le train. Vous êtes Susan Sontag, essayiste et romancière américaine qui a beaucoup écrit sur la photographie, notamment sur les photos de sa compagne Annie Leibovitz, un texte portant ce titre: Une photographie n'est pas une opinion. Ou bien si ?

Choisissez qui vous êtes dans ce fait divers. Moi, je choisis d'être la demie des deux secondes et demie, figée d'épouvante, je n'ai aucune opinion. Vous ? »

lundi 10 décembre 2012

Livre à livres

Prendre le large, d'André Major, que je suis sur le point de terminer, fais partie de ces livres qui vous entraînent irrésistiblement vers d'autres livres.

Au fil des pages, Gilles Archambault, Jean Marcel, Jean Basile, Gabrielle Roy, Gaston Miron, Jacques Ferron, Gérard Bessette, pour les gens d'ici.

Et bien sûr, Nicolas Bouvier, Claude Roy, François Mauriac, Julien Gracq, Kafka, les Russe du XIXe.

Et constamment, Tchekhov.

Mon carnet d'à lire ne désemplit pas !

vendredi 7 décembre 2012

Squat littéraire

Le chat Ludo, lequel n'est jamais bien loin, a décidé de squatter mon clavier; dès que je m'absente, il s'installe et, témoin cette photo, prenant bien ses aises, s'adonne à une de ses nombreuses siestes quotidienne. Las, voilà qui ne facilite pas mon problème de « bloc du clavier », incapable que je suis, saisi d'un spleen automnal, d'écrire plus que quelques banalités -- une de mes lectrices s'en est, hier, inquiétée, et mon bafouillage embarrassé de réponse n'a fait qu'aggraver mon embarras. Trois brouillons « en souffrance », et je ne le suis pas moins, en souffrance.

mardi 4 décembre 2012

Lecture

D'habitude je note les sources, cette fois non. Sans doute un extrait d'un article du New York Times que je retrouve, enregistré comme brouillon, il y a quelques semaines au moment où je m'apprête à rédiger le commentaire de l'Herbe des jours de Modiano, où il sera beaucoup question de carnets de notes...
 « The patterns of neural activation when we’re reading for pleasure are not the same as those when we’re reading critically.

Not all reading is created equal, even when we’re using all of our cognitive resources to process it. For, that’s the beauty of the setup. It’s not that subjects are distracted in one condition and not in the other. They are equally attentive in both, equally immersed in the reading, equally responsive to the text. And yet—their attention patterns are not the same. An instruction to change literary attention not only changes the type of information you extract from the reading; it also changes how your brain responds to it. The readers are modulating their attention consciously, and at a deep level. »

dimanche 25 novembre 2012

Quand ceux qui vont

Barbara, quinze ans déjà. Beaucoup de radios, d'articles; un disque de Daphné, aujourd'hui comme hier.
Lui, l'homme au téléphone, l'aimait tant, si intensément, lui aussi « en allé ». Pensées pour elle, pensées pour lui. La mémoire est vive, le souvenir doux et cruel.


mercredi 21 novembre 2012

L’argent et le reste - La Vie des idées

Michael SANDEL, What money can’t buy. The moral limits of market, Farrar, Straus and Giroux, New York, 2012 (244 p.)

 L’argent et le reste - La Vie des idées

Livre recensé par Mathilde UNGER :
« Tout n’est pas à vendre. Et pourtant, il semble que les lois du marché, peu à peu, envahissent des domaines qui jusque-là leur étaient interdits : l’amitié, la justice, la maladie, l’amour même. Michael Sandel souligne ces dérives et s’interroge sur les moyens de se préserver de l’effet corrosif de l’argent. »





lundi 19 novembre 2012

Ridicule

Eut-il été mortel, comme la sagesse populaire le prétend du ridicule, j'eusse été foudroyé hier, au bridge, quand entre deux donnes, voulant atténuer, par un peu d'auto-dérision, l'effet d'une blague faite aux dépens de mon partenaire, j'ai lancé un « Suis-je assez taquin ? » enchaînant aussitôt, citant in petto la duchesse de Guermantes à propos de Monsieur de Charlus, « d'ailleurs on me surnomme Taquin le Superbe. », lequel est tombé à plat sur la table de jeu. Usons d'une comparaison sportive, ma double allusion, latine et proustienne, aura produit autant d'effet que le ratage en plein vol d'un savante figure de patinage artistique. L'audience était pourtant composée de quadras et quinquas qui devaient bien avoir quelques reliefs de latin et un peu de lettres.

Devrais-je rejoindre le sanglant cortège des flagellants du « il n'y a plus de culture » ? Las. Le pire aura été d'avoir à tout expliquer.

Chute bien plus cruelle que la mienne à la donne suivante.

« La princesse d’Épinay, qui aimait sa cousine [la duchesse de Guermantes] et savait qu’elle avait un faible pour les compliments, s’extasiait sur son chapeau, son ombrelle, son esprit. « Parlez-lui de sa toilette tant que vous voudrez », disait le duc du ton bourru qu’il avait adopté et qu’il tempérait d’un malicieux sourire pour qu’on ne prit pas son mécontentement au sérieux, « mais, au nom du ciel, pas de son esprit, je me passerais fort d’avoir une femme aussi spirituelle. Vous faites probablement allusion au mauvais calembour qu’elle a fait sur mon frère Palamède, ajoutait-il sachant fort bien que la princesse et le reste de la famille ignoraient encore ce calembour et enchanté de faire valoir sa femme. D’abord je trouve indigne d’une personne qui a dit quelquefois, je le reconnais, d’assez jolies choses, de faire de mauvais calembours, mais surtout sur mon frère qui est très susceptible, et si cela doit avoir pour résultat de me fâcher avec lui, c’est vraiment bien la peine. »
— Mais nous ne savons pas ! Un calembour d’Oriane ? Cela doit être délicieux. Oh ! dites-le.
— Mais non, mais non, reprenait le duc encore boudeur quoique plus souriant, je suis ravi que vous ne l’ayez pas appris. Sérieusement j’aime beaucoup mon frère.
— Écoutez, Basin, disait la duchesse dont le moment de donner la réplique à son mari était venu, je ne sais pourquoi vous dites que cela peut fâcher Palamède, vous savez très bien le contraire. Il est beaucoup trop intelligent pour se froisser de cette plaisanterie stupide qui n’a quoi que ce soit de désobligeant. Vous allez faire croire que j’ai dit une méchanceté, j’ai tout simplement répondu quelque chose de pas drôle, mais c’est vous qui y donnez de l’importance par votre indignation. Je ne vous comprends pas.
— Vous nous intriguez horriblement, de quoi s’agit-il ?
— Oh ! évidemment de rien de grave ! s’écriait M. de Guermantes. Vous avez peut-être entendu dire que mon frère voulait donner Brézé, le château de sa femme, à sa sœur Marsantes.
— Oui, mais on nous a dit qu’elle ne le désirait pas, qu’elle n’aimait pas le pays où il est, que le climat ne lui convenait pas.
— Eh bien, justement quelqu’un disait tout cela à ma femme et que si mon frère donnait ce château à notre sœur, ce n’était pas pour lui faire plaisir, mais pour la taquiner. C’est qu’il est si taquin, Charlus, disait cette personne. Or, vous savez que Brézé, c’est royal, cela peut valoir plusieurs millions, c’est une ancienne terre du roi, il y a là une des plus belles forêts de France. Il y a beaucoup de gens qui voudraient qu’on leur fît des taquineries de ce genre. Aussi en entendant ce mot de taquin appliqué à Charlus parce qu’il donnait un si beau château, Oriane n’a pu s’empêcher de s’écrier, involontairement, je dois le confesser, elle n’y a pas mis de méchanceté, car c’est venu vite comme l’éclair, « Taquin... taquin... Alors c’est Taquin le Superbe ! » Vous comprenez, ajoutait en reprenant son ton bourru et non sans avoir jeté un regard circulaire pour juger de l’esprit de sa femme,le duc qui était d’ailleurs assez sceptique quant à la connaissance que Mme d’Épinay avait de l’histoire ancienne, vous comprenez, c’est à cause de Tarquin le Superbe, le roi de Rome ; c’est stupide, c’est un mauvais jeu de mots, indigne d’Oriane. Et puis moi qui suis plus circonspect que ma femme, si j’ai moins d’esprit, je pense aux suites, si le malheur veut qu’on répète cela à mon frère, ce sera toute une histoire. D’autant plus, ajouta-t-il, que comme justement Palamède est très hautain, très haut et aussi très pointilleux, très enclin aux commérages, même en dehors de la question du château, il faut reconnaître que Taquin le Superbe lui convient assez bien. C’est ce qui sauve les mots de Madame, c’est que même quand elle veut s’abaisser à de vulgaires à peu près, elle reste spirituelle malgré tout et elle peint assez bien les gens. Ainsi grâce, une fois, à Taquin le Superbe, une autre fois à un autre mot, ces visites du duc et de la duchesse à leur famille renouvelaient la provision des récits, et l’émoi qu’elles avaient causé durait bien longtemps après le départ de la femme d’esprit et de son imprésario. On se régalait d’abord, avec les privilégiés qui avaient été de la fête (les personnes qui étaient restées là), des mots qu’Oriane avait dits. »

vendredi 16 novembre 2012

Prendre le large

Je lis beaucoup, trop sans doute, c'est un travers que j'ai, de la notice explicative au mode d'emploi, et même les textes sur les boîtes de céréales, travers -- condition ? qui porte bien un nom, les experts en semblables matières puisent chez les Grecs une onomastique fort imaginative, mais je l'oublie, ou l'ai-je déjà su ? Bref, lu ce texte également, à la dernière page du livre d'André Major, Prendre le large :
« Ce livre a été imprimé sur du papier 100% postconsommation
traité sans chlore, certifié ÉcoLogo
et fabriqué dans une usine fonctionnant au biogaz. »
C'est un peu court, et socialement douteux, en voici une version revisitée :
«... par des salariés et salariées syndiqué(e)s
qui résident dans une coopérative d'habitation coiffée d'un toit vert
agréée par ÉquiMonde et Flore Haridelle en personne,
où les eaux de pluie sont recyclées et les déchets organiques compostés,
ne se déplaçant qu'en transport communautaire,
adeptes du slowfood biologique et majoritairement végétaliens ou végétariens,
pratiquant le commerce équitable et strictement local,
vêtus d'habits composés exclusivement de fibres naturelles,
chaussés en toute saison de sabots, de crocs ou de berkinstock,
ne consommant aucun produits testés sur les animaux
et pratiquant la tolérance religieuse et politique (même pour la Caque) et une sexualité inclusive. »

lundi 12 novembre 2012

Lisant L'herbe des nuits

Je termine la lecture de L'herbe des nuits de Patrick Modiano.

Il y est question d'un carnet de notes noir. J'en utilise un depuis des années maintenant. Surtout depuis que j'emprunte à la bibliothèque l'essentiel des livres que je lis, ne pouvant plus les annoter directement, ou y adjoindre des becquets. Et, tout informatique que je puisse être, je n'aime guère interrompre ma lecture, même celle d'un e-book, pour consigner mes notes à l'ordinateur.

On y consigne tel détail dont on souhaite se souvenir, mais rarement le fait dont on croit pouvoir se souvenir directement, celui qu'on juge suffisamment important pour le confier directement à la mémoire et que, forcément, on oubliera. Avec le temps, mois ou années, les notes ne nous disent plus rien, pour peu qu'on puisse encore en déchiffrer le texte -- toujours au clavier, j'écris très mal à la main. Ces carnets, ce n'est pas tant notre mémoire qu'ils alimentent, mais notre imagination.

Les carnets : nos rêves de papier.

lundi 5 novembre 2012

Les Militants du Tea Party ne jouent pas seuls au bowling - La Vie des idées

Les Militants du Tea Party ne jouent pas seuls au bowling - La Vie des idées

Depuis le printemps 2009 et la tenue des premières Tea Parties, le monde politique américain doit compter avec le Tea Party, nouvelle force conservatrice. À travers trois comptes rendus de lecture, cet article propose de revenir sur les racines historiques et politiques d’un mouvement social profondément enraciné dans l’espace américain et ses pratiques militantes.

samedi 3 novembre 2012

Citation

« Il n'y a plus rien à enjoliver, dans une société et dans un monde où tout est constamment enjolivé de la manière la plus répugnante. »

Thomas Bernhardt, Le neveu de Wittgenstein

jeudi 1 novembre 2012

Coma/Guyotat/Chéreau à Montréal

Au TNM, adaptation du livre Coma de Pierre GUYOTAT, avec Patrice CHÉREAU, mise en scène de Thierry Thieu Niang.

Présentation :
« Jadis, enfant, lorsque l'Été résonne et sent et palpite de partout, mon corps en même temps que mon moi commence de s'y circonscrire et donc de le former : le "bonheur" de vivre, d'éprouver, de prévoir déjà, le démembre, tout de ce corps éclate, les neurones vont vers ce qui les sollicite, les zones de sensation se détachent presque en blocs qui se posent aux quatre coins du paysage, aux quatre coins de la Création.

Ou bien, c'est la fusion avec le monde, ma disparition dans tout ce qui me touche, que je vois, et dans tout ce que je ne vois pas encore. Sans doute ne puis-je alors supporter de n'être qu'un seul moi devant tous ces autres moi et d'être immobile dans cet espace où l'on saute, s'élance, s'envole...
 

Plutôt mourir (comme peut "mourir" un enfant) que de ne pas être multiple, voire multiple jusqu'à l'infini. Quelle douleur aussi de ne pouvoir se partager, être, soi, partagé, comme un festin par tout ce qu'on désire manger, par toutes les sensations, par tous les êtres : cette dépouille déchiquetée de petit animal par terre c'est moi... si ce pouvait être moi  ! » 

Récit lumineux d'une crise artistique et spirituelle et de ses prémices dans l'enfance du narrateur, Coma nous entraîne jusqu'aux confins de l'au-delà et nous fait entrevoir une nouvelle naissance. La confiance dans le monde, fondement de l'acte poétique et de l'acte de vivre, enchante ce récit initiatique, qui éclaire l'œuvre faite et à venir de Pierre Guyotat. »

lundi 29 octobre 2012

Citation

« Vieillir c'est se rendre soudain aux funérailles de ceux qui auraient pu assister aux nôtres. »
Patrice Delbourg, Les chagrins de l'Arsenal.

On se demande bien la raison de ce « soudain ».

Les chagrins de l'Arsenal

Exercice de détestation littéraire signé Timothée Flandrin :
« Pêle-mêle, il disposait dans une cantinière métallique Simone de Beauvoir, la chabraque en bastille d'organdi, dont l'oeuvre est aussi sexy qu'un derrière d'autobus; la divette Colette et ses voluptés émétiques à se taper le berlingot dans la chapelure; Violette Leduc, la batarde des retraités sourdingues; George Sand, qui avait suffisamment passé sous les fourches caudines de ses contemporains. Inutile de s'acharner sur la civière. Il suffisait de ramasser les débris et d'en soulager le paysage au dépôt de la voirie. Louise de Vilmorin avait mis au jour tant de navets juteux de haute graisse qu'elle pourrait inaugurer un potager.

» Il constatait une fine pellicule de poussière sur les volumes de l'intégrale de Marguerite Yourcenar, flétrie jusqu'au jabot. Cette désaffection le remplissait d'aise. Depuis plusieurs mandats présidentiels, personne n'avait jugé bon de poser la main sur cette purge de la rétine toujours très en vogue chez les universitaires féministes anglo-saxonnes. Grand bien leur fasse ! La bonne matrone du mont Noir manie une langue si amidonnée que son petit linge de confort tient tout seul. »

mercredi 24 octobre 2012

Pas bon, pas pantoute

Ce n'est pas sans scrupule que je n'ai publié mon commentaire de l'essai de François Bon, Après le livre.

C'est qu'il est très intéressant cet essai, lequel, en plus de m'en apprendre beaucoup sur l'histoire du livre et de dévoiler un possible futur où le livre aura changé de support et de présentation -- il a déjà beaucoup évolué depuis le rouleau de papyrus et la tablette d'argile, et pourtant : ne fait-on pas comme autrefois défiler le texte sur la tablette électronique comme si on le déroulait ? m'aura donné le plaisir un peu coupable de la traque à la coquille et à la grammaire baroque.  

Voilà une phrase bien longue, merci de ta patience, ô lecteur.

Qui aime bien châtie bien ?

Quoiqu'il en soit, la lecture de son Autobiographie des objets -- fort bien reçue par ailleurs -- m'aura très rapidement exaspéré, et pourtant je sais être patient, donnant toujours -- la plupart du temps -- sa chance au scribe.

Le contraste aura été trop grand entre le lumineux, bien que très dur, Home de Toni Morrison.

mardi 23 octobre 2012

L'étranger - Home

« Les plus grands livres ne sont pas les plus épais ».

L'incipit de l'émission du dimanche 21 octobre du Gai savoir (France Culture) portant sur L'étranger d'Albert Camus s'applique tout à fait au bref roman de Toni Morrison, Home.

Le plus extraordinaire est d'entendre la voix de Camus lire son roman. Normalement, je copie ici le lien qui permet de lancer la lecture, mais celui-ci est fautif, il vous faudra donc vous rendre sur la page de l'émission puis lancer la lecture. Bonne écoute.


lundi 22 octobre 2012

Home

J'ai rarement lu un roman aussi puissant que Home de Toni Morrison. J'en demeure plein d'effroi : les États-Unis il y a un demi-siècle ? Et contrairement aux obscénités délirantes telles Les bienveillantes -- pour moi, ce livre constitue une des grandes impostures littéraires des dernières années -- l'horreur sourd de la sobriété même de la phrase. Et une bonne traduction.

dimanche 14 octobre 2012

Dimanche 14 octobre

Dîner hier soir, au bistrot Leméac, avec C***, un ancien collègue du ministère, et avec qui je suis demeuré lié d'une belle amitié intellectuelle. Il s'y ennuie fort, et la retraite n'est pas pour demain. Tout cela est, heureusement, bien loin déjà pour moi.

Bon vin d'Arbois, comme chez Brel.

Question du blog, il me suggère de revenir sur ma récente épiphanie littéraire, ou comment je suis passé de Flaubert à Stendhal.

Vu l'entrevue de Modiano : il me fascine (sens fort du terme), une sorte d'hypnose.

vendredi 12 octobre 2012

Snakeskins

Benoît LACHAMBRE, Snakeskins, Usine C, 10-12 octobre 2012.

On entend souvent, dans la langue d'ici, dire, avec un accent appuyé sur la première syllabe, au récit d'un fait désagréable : « L'enfer ». Ou encore, dans d'autres milieux : « C'est mon idée de la mort ». Je suis, ce soir, allé au delà de cette limite : j'ai espéré être mort

J'ai espéré être mort, là, dans la rangée C, au siège 15, ce soir, vendredi 12 octobre 2012. J'ai espéré être mort après dix minutes, après vingt minutes, après trente minutes de cette représentation d'une durée annoncée d'une heure qui a duré quatre-vingt-dix minutes. Je n'ai pas vécu mille mort, mais j'ai souhaité être mort au moins quatre-vingt dix fois. Mort plutôt que de continuer à être là.

Non seulement ne suis-je pas mort, mais j'aurai à porter longtemps la honte de ma lâcheté de n'être pas sorti, de n'avoir pas fui. Pas mort, et la honte. Cruel destin.

Stendhal, par l'intermédiaire de Thierry Laget et ses Portraits de Stendhal, est venu m'apporter quelque consolation :
« A-t-on conscience, emporté par le flux des jours, du moment où l'on bascule des premières aux dernières fois... »
Pour moi, ce soir, vendredi 12 octobre 2012, j'aurai vécu ce basculement : j'aurai assisté à ma dernière représentation de danse contemporaine. Plus de fontaine, plus de tonneau.

Le chorégraphe affirme :
« C’est un travail très organique que j’aime énormément vivre et faire, assure le fondateur de la compagnie Par B.L.eux. Mais il y a quand même des moments difficiles qui génèrent un certain stress: celui de la peur du changement qu’il faut laisser aller. Car il faut bien mourir à quelque chose pour devenir (je souligne). »
Mort, je suis, à la danse. Je deviens.

On me traitera d'Alceste, je persisterai et signerai.


mercredi 10 octobre 2012

Les femmes savantes






Beaucoup de plaisir à cette représentation, en dépit d'une sonorisation démente : les comédiens ne savent-ils plus projeter ? Le TNM n'est pourtant pas une salle si vaste... Ainsi qu'à la relecture de la pièce, avant et après...

D'ailleurs, il y a un parallèle à faire entre cette pièce et le roman que je lis, Les chagrins de l'Arsenal de Patrice Delbourg.


Sisyphe

Soirée médiocre au bridge hier soir.

Nenni : je fus médiocre hier soir -- distraction, enchères erronées, jeu de la carte fautif. Une catastrophe. Pis, j'ai, une bonne partie de la nuit, rejoué en songe la plupart des mains.

Mon bridge de Sisyphe.

Complexité

J'ai l'impression, souvent, que ma vie se compose de longues phrases complexes. Et si j'écrivais ?

vendredi 28 septembre 2012

Après la procrastination, l'effroi

Une recherche en ligne sur un roman de la rentrée que je songe à lire offre des centaines de commentaires émanant qui de sites officiels, qui de simples anonymes; tant d'avis, tant de copie-colle.

Et ce blog ?

« Qui êtes-vous pour... ? » a naguère fulminé à mon encontre telle demoiselle du micro, laquelle persiste à se faire voir et entendre sur les tréteaux culturels, certaine d'incarner le bon goût de tout un chacun, donc le sien.

Fulmination qui revient me hanter au moment où j'aurais l'audace de commenter ma lecture de La Chartreuse de Parme, l'un des grands romans du XIXe. Tout, et même plus, a été dit, l'affaire est entendue; tout a été interprété, l'histoire a parlé, et surtout les spécialistes. Ne reste plus au lecteur qu'à se rallier; a-t-on même seulement besoin de le lire, ce roman ?

Va pour mon grain de sable, il n'enrayera pas l'engrenage.

Audace, mais effroi, tout de même.

lundi 24 septembre 2012

24 septembre 2012

Voyage en Stendhalie

 Bigre !

Quelle surprise de recevoir, par courriel, avis de l'inscription, à ma page Twitter, sur laquelle je dépose un lien conduisant à mes articles, de Thierry Laget. C'est qu'il aura lu ma récente production, et peut-être même ceux que j'ai consacrés à ses autres livres.

Je me suis aussitôt abonné à la sienne...

Aucune chance que Mlle B***, la Très Grande Vertu du Québec, en fasse jamais autant, et vice-versa.

@ThierryLaget

vendredi 7 septembre 2012

A. D. 2012 - numéro UN


.1 Entrée en matière

« Passé un certain âge, on ne sait plus qui est mort, qui est vivant. »
François Bott, Avez-vous l'adresse du paradis ?
Souvent, le deuil ne suffit pas, qui devient comme sans emploi. Mieux vaut recourir à une espèce de révisionnisme affectif, comme Trotski disparu des photographies officielles, et se persuader à soi-même de l'inexistence, l'oubli constituant une sanction trop douce, de tel petit monsieur qui, l'an dernier, constituait encore le pivot de ses jours et de ses nuits. L'effacement est au sentiment ce que la frappe est à la guerre : chirurgical.

On se sent bien mieux veuf, métaphoriquement parlant, que, horrible mot, divorcé.

On n'avait pas, en ce mois de septembre, le cœur à rire. Mais tout à un commencement, même dans la douleur.